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Le blog de Christophe

Le blog de Christophe

La Birmanie (Myanmar) de la côte ouest de l'Arakan, aux montagnes de l'état Shan, en passant par le delta de l'Irrawaddy, l'état Kayah, l'état Chin et les coins les plus reculés du pays... Vingt ans d'expérience à vous faire partager avant votre départ pour l'aventure.


La Birmanie sans touristes... c'est possible (février 2015)

Publié par Christophe sur 21 Mars 2015, 15:06pm

Eh non, je n'ai pas encore tout vu en Birmanie. Après Loikaw, tout juste ouvert aux étrangers, c'est l'état Chin que je viens de découvrir. Une région accessible aux touristes étrangers, sans autorisation, depuis un peu plus d'un an. L'occasion de côtoyer les femmes aux célèbres tatouages sur le visage et de remonter dans des coins perdus vers le nord, Hakha et Falam. Avant un détour par la rivière Chindwin et une halte à Kalewa, loin encore des circuits des touristiques traditionnels.

 

Vendredi 6 et samedi 7 février : l'hôtel me fait faux bond

 

Voilà deux jours que je suis en Asie, à Bangkok. L'endroit idéal pour récupérer du long voyage avec la compagnie Jet Airways, que je venais juste de découvrir (1 h 30 d'escale seulement à Bombay et un billet à moins de 500 euros !). Bangkok, c'est aussi le bon endroit pour me détendre à la piscine et surtout pour faire mon visa à l'ambassade du Myanmar, dont le tarif est moins élevé que le evisa.

 

Je n'ai qu'une journée devant moi, le vendredi, car mon avion décolle le samedi pour Yangon. Vendredi soir, j'ai mon visa birman en poche pour un peu plus de 30 euros. Le matin, pour le dépôt du visa, c'était très calme et il n'y avait quasiment aucune file d'attente. En revanche l'après-midi, pour le retrait du visa, c'était la cohue. A croire que le evisa ne satisfait pas encore tout le monde...

 

Ce samedi, une drôle de surprise m'attend. Suis tranquille à la piscine quand je reçois un mail de l'hôtel que j'avais réservé à Yangon, l'AKT qui m'explique qu'en raison d'un surbooking et d'une erreur de leur part, je n'aurai pas ma chambre ce soir. Tout en m'assurant que je ne paierai pas les frais d'annulation auprès de Booking.com auprès de qui j'avais réservé. Je me rabats sur Agoda et réserve une chambre à l'Agga Youth Hote, où j'avais déjà dormi par le passé. Je me suis quand même plaint auprès de Booking.com par rapport à cette mésaventure de dernière minute... je n'aurai jamais de réponse.

 

A 21 h 30, je prends le vol de Golden Myanmar Airlines pour Yangon. Il est à l'heure et je ne paie pas de supplément pour les bagages, contrairement à ce que je pensais. A 55 $ le vol, difficile de trouver mieux ! Arrivée à l'aéroport de Yangon où les formalités et la récupération des bagages sont ultra rapides. Je change des euros en kyats (1166 k). Je ne trouverai pas de change plus intéressant le lendemain dans Yangon. Pour 6 $, un taxi m'a emmené à l'hôtel Agga Youth. Je discute avec mon chauffeur et ça dévie rapidement sur la religion, et les attaques verbales envers les musulmans. J'abrège...

 

J'arrive à l'hôtel où internet est en panne et je n'ai pas ma réservation tardive sur papier. Deux coups de fil du patron et je suis finalement accepté (ouf !). Sachant que ce soir-là, toutes les chambres à moindre prix étaient réservées.

 

Dimanche 8 février : Le train pour aller au marché

Petit déjeuner correct à la Agga Youth où l'on peut réclamer du pain et du café supplémentaires. Je prends la direction des agences des compagnies de bus derrière la gare des trains. Objectif : trouver un billet de bus pour Mindat dans l'état Chin. Apparemment, il n'y a pas de bus direct et je trouve juste des trajets pour Pakokku (15 200 k), ville la plus proche qui dessert ensuite Mindat. Je réserve un billet pour lundi soir.

Je profite de ma situation pour prendre le train circulaire. Il y a nettement plus de touristes que par le passé dans les wagons, mais ce moyen de transport est encore très couleurs locales. Les Birmans avec leurs sacs de légumes et diverses marchandises prennent d'assaut le train. Je pars vers 10 heures (200 k le trajet) avec l'intention de m'arrêter au marché aux fruits et légumes de Dahyngon. Là, je suis quasi certain que les touristes ne s'arrêteront pas car ils font le tour complet de la ville, sans aucune halte, comme dans un petit train touristique.

 

Un peu plus d'une heure de trajet, j'entrevois le marché. Certains marchands vendent carrément leurs marchandises sur les rails et débarrassent lorsque le train s'approche. Ce lieu n'est pas touristique pour un sou, c'est juste l'endroit idéal pour faire des achats de produits locaux. Je ne croiserai que deux touristes accompagnés d'un guide...

Les allées sont étroites, il y a de très nombreux clients. J'ai l'impression d'être arrivé au moment où il y a le plus d'animation. C'est un endroit très populaire. Je me faufile entre les étals de poissons séchés, de fruits, de choux, de végétaux que je n'avais jamais vus avant, de pâtes très odorantes... Et il y a tous ces porteurs de marchandises qui m'étonnent toujours par rapport au chargement qu'ils ont sur le dos ou sur la tête.

 

Je fais une halte dans un tea shop où tout le monde est agglutiné devant la télé qui diffuse à l'eau de rose comme on aime tant en Birmanie. Avant de reprendre le train pour plus d'une heure de trajet en direction de la gare centrale, je m'amuse à prendre quelques photos des personnes qui patientent sur le quai. A la recherche d'enfants dont le thanakha ébloui le visage.

 

Retour dans le centre de Yangon où par acquis de conscience, je vais à la MTT (Myanmar Tour Travel) pour me renseigner sur l'accessibilité dans l'état Chin. Une fois encore, l'accueil est sympathique, mais le professionnalisme fait défaut dans cette agence dépendante du Gouvernement. On me dit que je peux aller à Mindat sans autorisation, mais que ce n'est pas possible pour Falam et Hakha. Seul problème : leurs documents datent de février 2013. Et la région est ouverte aux étrangers depuis 2014, sans autorisation. Il faudrait peut-être remettre à jour leur documentation. Bouquet final, ils sont incapables de me dire la date de la journée nationale Chin (le 20 février). Tant pis, je me débrouillerai sans eux.

 

Lundi 9 et mardi 10 février : De longues heures de bus

 

Aujourd'hui, je me la fais cool dans Yangon, en perspective des longues heures de bus qui m'attendent cette nuit. Grasse matinée pour commencer, lecture au parc Mahabandoola, quelques arrêts dans les tea shop de la ville, une petite halte dans le Shangrila hotel, bien au-dessus de mes moyens et quelques derniers achats avant de partir vers l'inconnu : une lampe torche, car l'électricité fait apparemment défaut dans l'état Chin, et un réveil. Avant d'en profiter peut-être une dernière fois avec la wifi de la guesthouse.

 

Il est 19 heures, je suis devant l'agence de la compagnie de bus, il fait encore 28°. Un minibus m'emmène gratuitement jusqu'à la station Aung Mingalar, à 45 minutes de route, où le bus pour Pakokku est prévu à 21 h 30. Me voilà parti dans un bus très confortable de la compagnie Elite. Il y a pas mal de touristes, mais je me rendrai compte, une fois passé Bagan, que je serai le seul à rester jusqu'à la destination finale.

 

La nuit, je parviens à m'endormir, tant bien que mal, dans le fauteuil inclinable du bus. On fera un arrêt à 3 heures du matin pour un repas, avant d'arriver à 6 heures à Bagan. J'arriverai à Pakokku à 7 heures. On me dirige vers une cabane où quelques Birmans attendent déjà. Et on me prévient que le bus pour Mindat est prévu à 8 h 30. Le bus est déjà, rien à voir avec le précédent. Il est vieillot et à l'intérieur il y a bien plus de marchandises que de passagers.

 

J'avais hésité à passer une journée et dormir à Pakokku, mais autant continuer sur ma lancée. Prix du bus : 5 000 k. On part vers 8 h 40, je somnole. L'état de la route est convenable, on traverse la campagne birmane. Les 2-3 dernières heures de trajet sont nettement plus sportives car on prend de l'altitude et les premiers virages se font ressentir.

 

Puis vient la pause déjeuner en compagnie de deux Birmans anglophones venus de Yangon, l'un va retrouver sa famille Chin, le second est d'origine Akha et vient de Kengtung. Voilà qui me rappelle bien des souvenirs.

 

Vers 15 heures, arrivée à Mindat, petite ville de montagne assez étendue. En chemin, j'aperçois deux ou trois guesthouses. A ma connaissance, il y en a cinq dans ce bourg. Je m'arrête dans la Victoria guesthouse. L'acceuil est sympathique, dans une Anglais très très basique. Comme la chambre à 10 000 k d'ailleurs : un grand lit, une salle de bain commune avec eau froide et toilettes à la Turque. Je ferai avec.

 

Je fais mes premiers pas dans Mindat et il ne me faut pas très longtemps pour que je croise des femmes tatouées au visage. Rien que sur le petit marché, on peut déjà en rencontrer et certaines vendent même des produits. Ces femmes sont originaires de différentes minorités, on les distingue à leurs tatouages. Certaines ont des points sur le visage, d'autres des dessins plus élaborés ou encore d'énormes boucles d'oreilles... C'est impressionnant.

En fin de journée, par curiosité je m'arrête à la Mi Poe guesthouse où je visite une chambre à 20 000 k, mieux que mon hôtel et avec une salle de bain commune nettement plus sympathique. Seul problème : le jeune homme qui m'accueille est dans un état d'ébriété avancé. Il parle Anglais et veut me présenter à un de ses amis qui pourrait me conduire en voiture à Hakha ou au mont Victoria. Pour Hakha, c'est 350 000 k et Victoria 120 000 k, des prix exorbitants. Je décline son offre.

Je rejoins un petit temple dans les hauteurs de la ville où je jouis d'une jolie vue... à moi tout seul. Et j'aperçois aussi quelques chemins qui pourraient me permettre d'organiser mon propre trek. Dans la ville, j'ai discuté avec quelques personnes parlant Anglais, mais ça reste limité. Difficile donc de compter sur un guide. Et pour ce qui est de rejoindre Hakha par la suite, ça a l'air également compliqué. Un peu comme si c'était le bout du monde, alors que c'est la capitale de l'état Chin.

La nuit tombe très vite et la température rafraîchie. Heureusement que j'ai ma lampe torche car les rues ne sont pas éclairées. A ma surprise, je trouve une boutique internet et ça fonctionne. Coup de chance car ce sera la seule fois durant mon séjour à Mindat.

 

Il est 19 heures, la majorité des boutiques est fermée. Je trouve un petit resto où pour 1 500 k, je me régale de riz, de patates en salade et de plusieurs plats de légumes. Retour à la guesthouse où tout le monde tape la causette à deux pas de ma chambre. La patronne m'a mis un broc d'eau chaude devant ma chambre. Direction la douche, sans électricité et avec le vent qui s'engouffre à travers les parois. Ce n'est pas ici que je prendrai un bon bain. Ma nuit sera excellente.

 

Mercredi 11 février : Hommes à plumes et boucles d'oreilles fascinantes

Ce matin, réveil dans la fraîcheur, mais je m'attendais à pire. Je prends un petit déjeuner local dans un resto proche de l'hôtel. Une très bonne soupe de noddles et un café pour 800 k. Peu avant 10 heures, je pars me balader dans les environs de Mindat en suivant la route goudronnée, celle qui mène à Hakha. Il y a des habitations tout au long de mon chemin et dans quasiment toutes les maisons, il y a des femmes tatouées.

Certaines refusent catégoriquement les photos, d'autres semblent effrayées par la présence d'un étranger, d'autres acceptent volontiers parfois même avec le sourire. Dommage que je ne sois pas un spécialiste des différentes ethnies car elles ne se ressemblent pas toutes et d'après ce qu'on m'a dit, elles ne parlent pas toutes le même dialecte. Certaines femmes fument la pipe, parfois impressionnante par la taille. Et puis il y a aussi ces morceaux de bois en guise de boucles d'oreilles. Enorme.

En chemin, je croise deux touristes à vélo. Ils ont traversé la frontière indienne et se sont arrêtés dans plusieurs villes de l'état Chin dont Hakha, ville pour laquelle ils m'ont dit le plus grand bien. On a sympathisé et ils m'ont demandé quelques conseils pour la suite de leurs aventures qui doit les mener à Pakokku et Bagan. Voilà, je ne suis donc pas le seul étranger sur ces terres.

Je continue ma route et croise pas mal d'enfants, pas si craintifs que ça, malgré que la région ne soit pas touristique. Très vite leur curiosité cède sa place aux rires. Ici, plus encore que dans d'autres régions de Birmanie, la population est très sympathique. Et ce malgré la barrière de la langue, c'est pour dire.

 

Des surprises, il y en a sur ma route comme cet homme en tenue blanche avec des plumes sur la tête et qui fume la pipe. Il porte la tenue traditionnelle Chin pour je ne sais quel événement car ce n'est sûrement pas la tenue qu'il porte au quotidien. Autre surprise, cette fois une peu plus effrayante, un énorme serpent noir qui traverse un chemin de terre face à moi. Je voulais rejoindre des villages un peu plus perdus mais il commence à se faire tard et la présence humaine commence à se faire rare sur ce chemin que je viens d'emprunter.

 

Retour à Mindat où on me certifie qu'il y a un service de minibus les mardi, jeudi et samedi en direction de Hakha. Départ à 7 heures, arrivée vers 20 ou 21 heures. Me voilà rassuré pour la suite de mon périple. Un petit tour au seul internet du bourg (de 6 000 habitants), puis retour à la guesthouse Victoria où l'eau ne fonctionne plus à l'étage et où il y a pas mal d'occupants qui sont particulièrement éméchés. L'alcool semble être un fléau dans l'état Chin.

 

Jeudi 12 février : J'ai enfin trouvé un guide, mais si j'avais su...

Ce matin, c'est au rez-de-chaussée de la guesthouse que je vais me laver, faute d'eau à l'étage. Je vais dans le café face à la gare routière où il y a deux Français accompagnés d'un guide. Ils voyagent par l'intermédiaire d'Ananda Travel (Ceci n'est pas une publicité, juste un retour d'information). Ils me conseillent la guesthouse Se Nang où j'irai d'ailleurs dans la foulée. Mais avant, on me présentera un guide Naing Taing qui me propose un trek autour de Mindat à 50 000 k. Je négocie à 40 000 car je trouve cela un peu élevé.

On va partir vers 9 h 30 et faire le tour de la ville, ce que j'aurai pu organiser seul. J'avoue qu'au terme de cette journée, je resterai un peu sur ma faim. Il me propose d'ailleurs pour le lendemain une balade à moto dans des villages où les habitants portent des tenues traditionnelles différentes qu'à Mindat pour 50 000 k. Comme il m'a déçu aujourd'hui, je décline l'offre.

Certes, au cours de la balade, j'ai rencontré de nombreuses femmes tatouées. La plupart étant de la minorité Mon. On s'est arrêté dans quelques habitations où l'on a dégusté de l'alcool de mille qui fait tant de dégâts dans la région. Des maisons dans lesquelles je perçois encore davantage la misère. Je comprends mieux pourquoi l'état Chin est considéré comme le plus pauvre du Myanmar.

On va aussi visiter un petit musée Chin où sont exposés des objets anciens : armes, lances, costumes traditionnels, paniers... Tout à coup, on passe devant une maison où il y a de l'animation. Normal, il s'y tient un mariage. Nous sommes invités à y manger. Là encore, je croise des femmes tatouées.

Au cours du trek, j'observe totems et trophées d'animaux sur les façades des habitations et des tables destinées aux sacrifices des animaux. Cela se déroule en général durant les cérémonies, mais je n'y ai pas assisté au moment de mon passage.

En fin de journée, on va à la rencontre d'une femme dont la tenue vestimentaire se fait particulièrement rare, tout comme les énormes boucles d'oreille. Elle fait partie d'une minorité dont les villages sont éloignés de Mindat. Elle se laisse photographier, mais j'ai bien l'impression qu'elle a tendance à réclamer de l'argent au peu de touristes qui passent ici. Pour clore le spectacle, elle me jouera de la flûte... avec ses narines.

Mon guide est fatigué et me conseille de prendre une douche à l'hôtel et qu'il reviendra dans une heure. C'est là que je décide de l'abandonner et de partir en solo. Je vais acheter mon billet pour le minibus en direction de Hakha (18 500 K) avec un départ pour samedi. Je marche tranquillement en observant des enfants s'amuser avec des jouets d'un autre temps, qu'ils ont très certainement fabriqué eux-mêmes. Pendant ce temps, d'autres gamins reviennent avec des paniers remplis de bois. Ici, on travaille dès le plus jeune âge.

En début de soirée, je vais dans mon resto habituel où le prix, quelque soit la commande, est de 1 500 k. Cette fois-ci, j'aurai droit à du boeuf en plus des légumes. Un petit tour à la boutique internet où la connexion est trop mauvaise. Il fait nuit et un jeune homme se propose de me ramener à ma guesthouse à moto. Là bas, j'y retrouve une chambre charmante, un salon où l'on peut boire café et thé à volonté et surtout une douche avec eau chaude, qui fait tout mon bonheur.

 

Vendredi 13 février : En solo sur la route de Matupi

Aujourd'hui ce sera sans guide, et je ne vais pas regretter. Je prends un petit déjeuner sur le pouce et fais la connaissance d'un journaliste sud coréen qui officie depuis plusieurs années au Myanmar. Il me parle de ses déboires et surtout me montre ses photos absolument magnifiques.

Je prends la direction d'un monastère au sommet d'une montagne. Je suis une femme dont la tenue est resplendissante, tout comme les tatouages sur le visage. Elle porte des pièces autour du cou et fume la pipe. Elle se laisse volontiers photographier et avec le sourire. Je la suis toujours et me rends compte qu'elle n'est pas la seule à se rendre au monastère. Une organisation humanitaire y propose des soins dentaires. De nombreux habitants des villages et des enfants sont au rendez-vous. J'y retrouve aussi le photographe sud coréen.

 

Je me dirige ensuite sur la route de Matupi, que j'avais déjà empruntée au cours de première journée. Il y a plein de hameaux, de la vie, des femmes tatouées, des enfants qui jouent, d'autres qui reviennent de l'école... Il y a des tas de scènes de vie : les porteurs (ses) de bois et d'eau, les femmes qui découpent les légumes devant leur maison, d'autres qui tissent ou qui pillent des végétaux avec le bâton comme on le fait en Afrique.

 

En chemin, je m'arrête boire un café. La petite vendeuse tient absolument à me l'offrir. Ici l'accueil est exceptionnel malgré la barrière de la langue. J'ai le droit à des signes des enfants, des " Hello ", " Mingalabar ", " Tata "... une sorte de bye bye à nous. Toute une famille qui se retrouve réunie devant sa maison veut même m'inviter à manger. L'alcool coule à flot et je décline l'invitation.

Des enfants sont ravis que je les prenne en photo et leur montre le rendu. Sourires et rires garantis. Avec les femmes tatoués, ce n'est pas la même musique. Elles n'apprécient pas toujours les photos.

Je quitte la route principale pour me rendre sur un chemin de terre qui mène à un petit village. Les habitants sont tous dehors et la misère est perceptible. J'y croise des gens attachants dont cette femme au visage entièrement tatoué de points noirs qui veut absolument me parler. Elle ne s'est apparemment pas rendue compte que je ne pouvais pas la comprendre. Puis c'est un homme qui veut m'offrir un verre d'alcool. Mais je suis plus fasciné par ses grosses boucles d'oreilles que par le verre qu'il me tend.

Il est 14 heures et j'ai été bien plus loin que je ne l'imaginais. Je me décide à faire demi tour. La route descend cette fois. Je m'arrête boire un café et discute avec un homme dont l'Anglais est parfait. Il est catholique et veut échanger autour de la religion.

En fin de journée, le vent monte et il fait nettement plus froid que les jours précédents. Je retourne dans mon petit resto préféré en songeant que demain, Mindat ne sera plus qu'un lointain souvenir, mais aussi une halte exceptionnelle parmi tous les voyages que j'ai effectués en Birmanie.

Samedi 14 février : Le long périple jusque Hakha

 

A 7 heures du matin, je suis devant le minibus qui doit m'emmener jusqu'à Hakha, la capitale de l'état Chin. J'ai le temps de téléphoner à la Grace guesthouse pour réserver une chambre. C'est toujours ça de fait. Je me retrouve ensuite au premier rang du minibus et suis plutôt confortablement installé. On prend la route menant à Gangaw, traversant une jolie route de campagne. Une fois les montagnes passées, le mercure remonte.

 

On fait quelques arrêts. En discutant avec les passagers, je me rends compte que je suis le seul à me rendre à Hakha. Je fais la connaissance d'un opticien originaire de Yangon. Il m'invite au cours d'une halte à manger quelques beignets succulents. Il est à peine 14 heures et on atteint Gangaw. Les autres passagers changent de minibus pour d'autres destinations. Je me retrouve seul. Un Birman m'emmène alors dans un resto qui fait aussi office d'arrêt de bus. C'est alors que le patron m'annonce que le prochain départ pour Hakha ne sera pas avant 20 heures, ce qui remet en cause tous mes plans, dont ma réservation de guesthouse.

A la télé, il y a un match de football du championnat italien. Je regarde toute la rencontre en somnolant à moitié. Tout à coup, un minibus s'arrête, il se rend à Hakha et il reste juste une place de libre. Je saisis l'opportunité et tant pis si je suis mal installé au dernier rang. On part vers 15 h 15 et atteindront Hakha vers 20 h 30. La route était en piteux état et les virages incessants. Il y aura même des arrêts obligés, en raison d'éboulements. Je suis bien content que ça s'arrête. Le minibus m'arrête à la Grace guesthouse où j'ai du mal à me faire comprendre. Finalement, j'obtiens une chambre toute mignonne à 15 000 k avec la salle de bain. On me ramène l'eau chaude, je suis épuisé. La ville est endormie, moi aussi.

 

Dimanche 15 février : Journée de prières

Il fait frisquet ce matin et suis bien content d'avoir conservé les brocs d'eau chaude pour la douche. La ville est toujours à moitié endormi, la plupart des commerces sont fermés en raison du dimanche. Je trouve quand même un tea shop où prendre mon petit déjeuner avec en prime du pain. Il n'y a pas grand chose à faire ici. La ville est poussiéreuse avec tous ces travaux dans les rues, la réfection de la route. C'est pénible et quasiment irrespirable avec l'odeur du goudron. Je vais me réfugier dans une église où je suis accueilli à bras ouverts. Je fais le bon pratiquant que je ne suis pas vraiment. Durant la cérémonie, le prêtre traduit en Anglais rien que pour moi. Ca chante, ça danse parfois, l'ambiance est sympathique même si je ne comprends pas tout.

 

Je quitte l'église et retrouve le prêtre avec qui j'évoque mes difficultés pour trouver un guesthouse le jour de la fête nationale Chin qui aura lieu le 20 février. Il se propose de m'héberger ce soir-là. Il m'emmène chez lui et m'invite à manger. La religion est au coeur de la discussion et je m'efforce de ne pas faire d'impairs.

J'ai donc un plan B pour la fête Chin, en attendant il me faut trouver un bus pour Falam dès demain. Il y en a un à 5 heures du matin, mais aussi à 14 heures... ouf ! Tarif : 3 000 k pour deux heures de trajet.

 

Je fais un tour en ville, dans la poussière et rencontre un groupe d'étudiantes allemandes qui font une étude sur l'état Chin. Une aubaine pour elles de tomber sur un touriste individuel comme moi. J'ai eu droit à une interview et en profite pour leur demander des conseils sur Falam qu'elles connaissent. Elles me recommandent deux guesthouses et me confirment que ce bourg est nettement plus charmant que Hakha.

 

Un autre tour de la ville où j'ai la chance de tomber sur un cybercafé ouvert. L'occasion de donner des nouvelles en France car depuis 4 ou 5 jours, j'étais complètement déconnecté. Un repas dans un petit resto de la ville où je rencontre une charmante demoiselle Chin venue de Mandalay. On discute et elle me conseille un plat local : une soupe de haricots avec du boeuf. Pas mauvaise du tout. La fin de journée approche, le thermomètre n'a pas dépassé les 20°. Il fait 15 dans l'établissement, je suis sur le point de rejoindre mon lit douillet.

 

Lundi 16 février : De la poussière à l'air pur des montagnes

Je profite de mes derniers instants à Hakha pour refaire un tour de la ville. Décidément je n'accroche pas avec les travaux aux quatre coins de la ville, la poussière, l'odeur de goudron... Je me demande même si je vais revenir pour la fête nationale Chin et ce malgré l'invitation du prêtre. En plus, je dois être le 21 ou le 22 février à Monywa pour rejoindre ma famille et la route est encore longue.

 

Je retourne au cybercafé puis rencontre un couple danois accompagné d'un guide qui se demande comment j'ai fait pour venir ici tout seul. Je leur explique que j'ai fait au plus simple. Ces Danois veulent assister à la fête nationale Chin et comme moi ils n'ont pas trouvé de guesthouse pour l'événement et ils vont dormir à 40 km d'Hakha, vers la frontière indienne.

 

En début d'après-midi, après avoir mangé un Saputi, la spécialité locale (soupe avec des haricots et du boeuf), j'attends mon bus pour Falam qui est prévu à 14 heures et qui finalement partira à 15 h 30. Un bus qui ne semble plus compter les années tellement il est délabré. Je me retrouve juste à côté du chauffeur qui maîtrise un peu l'Anglais. La route n'est pas terrible du tout, mais les paysages de montagne sont splendides.

 

On traverse des villages tout mignons où les enfants jouent devant les maisons, les hommes coupent du bois tandis que les femmes le portent dans d'énormes paniers. On fait un halte dans un restaurant local où je me fais un plaisir de manger un oeuf dur. En route, on va éviter l'accident et la chute dans le ravin. Le chauffeur n'a pas vu un camion dans un virage et a freiné en catastrophe au bord du précipice. Belle frayeur.

 

Arrivée à Falam vers 18 heures. Le bus s'arrête juste devant la Holy guesthouse, là où je voulais dormir. J'ai du mal à trouver le patron. Finalement, je me retrouve dans une chambre à 15 000 k, tout ce qu'il y a de plus simple. Avec une salle de bain commune, très minimaliste aussi. Je file dans un resto de la rue où je mange une soupe à la viande, du riz et des légumes pour 2 200 k.

 

Mardi 17 février : Premiers pas dans la Falam

Je pars à la découverte de Falam après un petit déjeuner fait de beignets. Je visite les rues commerçantes et le petit marché. Et suis surtout en admiration devant les maisons sur pilotis accrochées aux montagnes. Je me demande comment elles font pour tenir surtout en période de mousson.

 

Il fait nettement meilleur qu'à Hakha et l'air est bien plus respirable. Mais il faut bien l'avouer, hormis se perdre dans les montagnes, sans aucune carte, il n'y a pas grand chose à faire ici. Plus la journée passe, plus je me dis que je partirai bien à la découverte d'une autre région. Aller à Kalaymyo, puis à Kalewa avant de redescendre sur Monywa, en passant par la rivière Chindwin.

 

Il reste une place à 7 000 k dans un minibus dès demain et je me dis que c'est une occasion à saisir car après il n'y a pas de transport pour Kalaymyo avant deux jours. Je prendrai le billet en fin de journée. A plusieurs reprises, j'irai au seul cyber café du bourg. Le patron me promet à chaque fois que la connexion ne va pas tarder, finalement elle n'arrivera jamais.

J'arpente Falam de haut en bas, regardant les hommes couper le bois, les femmes faire la lessive ou les enfants jouer avec une simple roue. Ils sont loin de mes préoccupations avec internet. Plusieurs fois, je vais être accosté par des hommes qui veulent échanger en Anglais. Un Anglais parfait avec une pointe d'accent américain. J'apprendrai plus tard que de nombreux Chins sont exilés aux Etats-Unis, mais aussi en Malaisie. Il faut dire qu'ici, c'est la région la plus pauvre du pays. Un local me dira qu'il n'y a jamais eu de développement économique depuis plusieurs dizaines d'années et quand il y avait des opportunités avec le bois, le teck, c'est le Gouvernement qui a mis la main dessus.

En tout cas, le peu que j'avais lu sur internet concernant l'état Chin, il était souvent dit qu'ici personne ne parlait l'Anglais. En réalité, c'est tout le monde. ça parle peut-être mieux l'Anglais dans cette région que dans d'autres endroits de Birmanie. Je m'arrête dans un petit resto local perché dans les montagnes. Ambiance népalaise, avec des visages pas vraiment birmans, mais plutôt tibétains ou népalais avec les bonnets en prime. Je mange le plat local, le Saputi qui commence à me plaire, dans une ambiance d'un autre temps et assez éloignée de la Birmanie que je connais.

 

Sur la route, des camions sans capot et des bus tout brinquebalant circulent de temps à autre. On se croirait revenu 50 ans en arrière. En fin de journée, je rencontre Mike, un Allemand, seul avec une moto qu'il a louée à Mandalay. Il fait quasiment le même parcours que moi, mais en sens inverse. Je lui conseille d'éviter Hakha, faute de guesthouses disponibles, lui me conseille Kalewa plutôt que Kalaymyo. On échangera une bonne partie de la soirée.

 

Mercredi 18 février : Des montagnes à la rivière Chindwin

Je me réveille tôt pour prendre mon minibus en direction de Kalaymyo. Je suis au dernier rang en compagnie d'une mère et son enfant. Elle vomit et lui pleure. Charmant. Heureusement deux jeunes birmanes, assises devant, me réconfortent et me lancent quelques mots en Anglais. La route à travers les montagnes est belle, contrairement à l'état de l'asphalte.

 

On atteint Kalaymyo vers 14 heures. Une ville étendue et assez poussiéreuse. Je décide de pousser jusqu'à Kalewa. Changement de station de bus, une attente de 40 minutes et je pars dans une sorte de camion bâché. Suis dans la cabine à côté du chauffeur (3 000 k). Les paysages changent, il y a de la verdure, des cultures et on longe la rivière Chindwin et quelques montagnes. De très beaux paysages durant cette heure de trajet.

On m'emmène dans la soi-disant unique guesthouse de Kalewa, Chit Ko Ko (9 000k), du très très basique et toujours une salle de bain commune. Pour le confort, j'attendrai plus tard. On voit que j'ai quitté l'état Chin et ses églises. Dans tout le bourg, il y a des donations pour Bouddha et des festivités se tiennent à deux pas d'un monastère. Les moines sont grimpés sur un muret pour suivre au plus près une rencontre de football. Il n'y a toujours pas un touriste dans les environs.

Je me renseigne pour le bateau en direction de Monywa. Personne ne me donne les mêmes informations. Un coup, il part le soir, un autre coup le matin. Une fois le trajet dure 12 heurs, une autre fois 24... A ne plus rien y comprendre. Le patron de la guesthouse me promet d'acheter le ticket en ma compagnie demain.

J'en profite ensuite pour longer la rivière, très animée en cette fin de journée. Il y a les locaux qui traversent le fleuve pour rejoindre leur village, les vendeuses qui se ruent sur les bateaux qui accostent ou moins sympathique, ces porteuses de charbon dont la suie remplace le thanakha sur les visages.

Je finis la journée dans un resto loacl avec un riz curry poulet. Le froid de l'état Chin n'est plus qu'un lointain souvenir. Mais j'apprécie tout de même que l'on m'ait apporté de l'eau chaude, ce soir, à la guesthouse.

 

JEUDI 19 FEVRIER : Do you speak English ?

Je suis le premier levé à la guesthouse et vais réveiller le patron pour pouvoir sortir à la découverte de Kalewa, car la grille est fermé à la clef. Je prends un petit déjeuner dans un tea shop, puis me dirige vers le marché où la fréquentation est à son maximum. On me regarde d'un oeil étrange, avec curiosité. Les touristes, ici on n'en voit pas tous les jours et ça se remarque dans le regard des Birmans.

 

J'ai le droit à des sourires, à des Mingalabar et à de rares mots en Anglais. Contrairement à l'état Chin, la langue de Shakespeare n'est pas aussi répandue sur cette rive de la Chindwin river. J'arpente les allées du marché, observe les étals regorgeant de produits parfois surprenants : du savon artisanal birman, des sortes de pâte à l'odeur nauséabonde, des saucisses curieuses et plus sympathique, des fleurs qui font le bonheur de ces dames.

Je retourne au bord de la rivière à la recherche d'un ticket de bateau pour le lendemain. C'est peine perdue, personne ne maîtrise l'Anglais et j'ai du mal à me faire comprendre sur les horaires, les prix et la durée du trajet jusqu'à Monywa. Je me retrouve avec des tarifs allant de 6 000 à 18 000 k et des trajets allant de 5 heures à 20 heures. J'en perds la tête.

 

Un bateau amarre et j'observe le va-et-vient des vendeuses qui se ruent sur l'embarcation et ses passagers dans l'espoir de vendre quelques produits. Dans ce bourg, nombreux sont celles et ceux à vivre du commerce avec les bateaux de passage. Pour le reste, la région semble très pauvre. Il suffit d'observer un peu plus loin les porteuses de charbon.

En début d'après-midi, je prends une petite embarcation pour découvrir la rive opposée. J'arrive dans un petit village niché dans une végétation luxuriante. Je croise des porteuses de canne à sucre, de bambou et d'autres qui filent vers la rivière avec pastèques, confiserie et bambou rempli de riz. Un homme m'invite dans sa maison à boire le thé et me présente à sa famille. Il parle un peu Anglais et me raconte le passé de Kalewa qui au cours de la seconde guerre mondiale a été le théâtre d'une bataille entre les Britanniques et les Japonais. A plusieurs reprises, il me raconte qu'un avion japonais s'est écrasé près de chez lui. De nombreux enfants, le visage grimé de thanakha se joignent à notre conversation. Pendant ce temps, on m'offre du riz, de la pastèque, des cacahuètes... L'homme veut m'inviter à manger un curry, mais j'avoue déjà être rassasié avec tout ce que j'ai grignoté.

Il me fait faire le tour du village, fier de présenter un étranger aux habitants. En milieu d'après-midi, je retourne sur le stade de Kalewa où ont encore lieu des rencontres de football dans le cadre d'une fête. Je croise deux Françaises qui sont accompagnées d'une amie birmane et d'une interprète. On échange sur nos différents parcours et notre connaissance du pays. L'une d'elles a découvert la Birmanie dans les années 80, à une époque où on ne disposait que d'un visa de 7 jours. Leur amie birmane est une ancienne institutrice de Kalewa et connaît tous les habitants du village où elle est très respectée.

 

Quand on la suit, on a l'impression d'être en campagne électorale car elle entre dans toutes les maisons pour serrer les mains. Le soir, elle nous invite dans un restaurant où l'on mangera un excellent repas chinois. La femme birmane me demande de rester plus longtemps à Kalewa pour me présenter à ses amis. Mais je n'ai hélas pas assez de temps devant moi. Retour à la guesthouse, où je suis le seul à profiter du broc d'eau chaude. Je saute sur l'occasion.

 

Vendredi 20 février : Le bateau se fait désirer

Toute la nuit, j'ai eu droit au haut parleur du monastère voisin, qui a bercé mon sommeil. Je me lève tôt et pars déjeuner des lentilles avec des crêpes comme en Inde ou au Népal. Il y a déjà du monde au marché et l'air est frais. Les Birmans commencent à être moins surpris de me croiser, je fais maintenant partie du décor. Je refais un tour de marché, toujours aussi curieux des produits qui peuvent s'y vendre. Il faut y aller avant 8 h 30, c'est là qu'il y a le plus de monde.

Comme le patron de l'hôtel n'est pas là, je pars chercher mon billet de bateau pour Monywa tout seul. Finalement, le bateau n'est pas à midi, comme il m'avait dit la veille, mais à 17 heures. Pas très fiables ces bateaux. Je paie 18 000 k, alors que pour les locaux c'est trois fois moins cher. Mais je comprendrai plus tard, une fois installé dans le bateau, pourquoi ce n'est pas le même prix.

L'après-midi, j'assiste à des rencontres de football dans le centre du bourg. Ce sont les demi finales et le niveau est nettement plus relevé que la veille. Le patron me rejoint et vient aux nouvelles, il me confirme que le bateau est à 17 heures et que j'arriverai tôt demain matin à Monywa. Je retourne au bord du fleuve, suivre la course des vendeuses après les bateaux de voyageurs. C'est leur gagne pain et à chaque arrivée, c'est le même scénario. Elles filents avec leurs paniers dans de petites embarcations, tournent autour du bateau et dès qu'il s'arrête, elles se précipitent sur le pont en hurlant le nom des produits qu'elles ont à vendre.

 

Je retourne au guichet où j'ai acheté mon billet et voilà qu'on m'annonce que mon bateau partira plutôt vers 18 ou 19 heures. Tant pis je retourne voir le football. Il est 17 h 15 quand une fille vient me retrouver pour me prévenir que le bateau arrive. Il est 17 h 30, j'accède sur le pont après avoir enjambé une planche en bois bien trop instable à mon goût.

Finalement, je me retrouve seul dans une cabine avec des lattes au sol en guise de lit. Je comprends mieux pourquoi je paie plus cher que les Birmans qui, eux, se retrouvent à 5 ou 6 dans une cabine. Le bateau quitte rapidement Kalewa, les vendeuses repartent sur la terre ferme. Les paysages sont beaux, montagneux et assez verts pour la saison.

 

On s'arrête dans quelques villages, prendre un ou deux passagers et surtout du bois et du bambou. La nuit tombe, j'ai la lumière dans la cabine et j'en profite pour bouquiner malgré l'invasion d'insectes. Je ferme les portes et tente de m'endormir malgré le sol en dur et le froid qui commence à s'installer.

 

Samedi 21 février : Panne de moteur

Le bateau avance à un rythme irrégulier en raison du peu de profondeur. Je somnole et me rends compte que l'on n'avance plus. Il doit être 1 heure du matin. Je ne saurai qu'au lever du soleil que le bateau est tombé en panne. L'embarcation ne repartira que vers 8 h 15, sachant que je commençais à désespérer. On fera quelques arrêts dans des hameaux pour ramener à terre quelques passagers. Le paysage se fait de plus en plus sec. Le thermomètre monte et ça me change de la nuit où malgré mon sac à viande, j'ai eu assez froid.

On arrive vers 14 heures à Monywa où la descente du bateau est assez folklorique. Je suis pris d'assaut pas les chauffeurs de moto et je n'arrive pas à poser pied à terre. Et quand arrive la planche en bois pour descendre, je crains le pire avec mon sac assez lourd. Mais je m'en sors sans encombre. Plutôt que de répondre aux sollicitations des chauffeurs, je pars me réfugier dans un tea shop. Je mange quelques beignets accompagnés d'un café et trouve un chauffeur de moto qui pour 1 000 k m'emmène à la guesthouse Shwe Taung Tan qui est assez éloignée de là où je me trouvais.

On me propose une chambre à 13 000 k, correcte avec salle de bain et wifi. Je me précipite dans la douche avant de partir à la découverte de Monywa, encore fatigué de mon long trajet en bateau.

 

Dimanche 22 février : A la découverte de Monywa

Ce matin, j'ai le droit à des frites avec des oeufs au petit déjeuner ! J'ai décidé de rester une journée supplémentaire à Monywa. Je vais me promener dans les deux marchés de la ville, le vieux et le nouveau, particulièrement animés. Il y a un monde fou. Les étals les plus impressionnants sont ceux avec les poissons séchés, ainsi que les épices, piments en tête. Aucun touriste dans ces lieux très populaires.

Je m'amuse à photographier les femmes qui trient les feuilles de bétel, des enfants qui se font appliquer du thanakha sur le visage, où de jeunes moines qui prennent leur repas. Je me retrouve ensuite sur les bords de la rivière Chindwin où les marchandises partent en masse sur les bateaux. Une petite pause à l'Eureka bakery où la wifi est mauvaise, mais les pâtisseries pas mauvaises. Quoi que le café y est un peu cher.

Pour occuper mon après-midi, je loue les services d'un moto taxi (15 000 k) afin de visiter les grottes de Phowin Pagodas Yinmarbin (2 $ l'entrée). C'est à une heure de route de Monywa. Des centaines de Bouddhas dans des grottes, des singes, des groupes de touristes qui ne me manquaient pas tant que ça. Je m'amuse à suivre un groupe de Français plus intéressés à photographier les singes qu'à suivre les explications de leur guide francophone. C'est beau de voyager en groupe.

Pour ma part, j'ai eu droit à la visite guidée de la part d'une jeune vendeuse de cartes postales, toute contente de me dénicher des endroits pas toujours visibles pour les touristes. Le site est agréable, mais je m'attendais à quelque chose de plus impressionnant encore par rapport aux commentaires que j'avais lus sur des sites internet. Mais je ne regrette aucunement la visite car c'était chouette quand même.

Vais être de retour à Monywa vers 17 heures, le dos un peu cassé par ce long parcours à moto. Le soir, je mange dans la rue un riz aux légumes avec du porc grillé (1 500 k). Très bon. Le soir à l'hôtel, je m'effondre.

Lundi 23 février : Dans la chaleur de Mandalay

Ce matin, pas de frites au petit déjeuner. Suis à la gare routière à 8 h 45. Un bus part pour Mandalay à 9 heures précises (2 000 k). Le chauffeur roule comme un cinglé. On arrive à Mandalay vers midi. Il s'arrête dans le centre, je prends un moto taxi qui m'emmène dans l'hôtel de mon choix, le Golden Dream. Il est flambant neuf et ne date que d'un an. On me propose une belle chambre à 30 $, je la négocie à 25 $ expliquant que sur Agoda c'est 30 $, mais le site prend 5 $ de commission. Et ça marche.

Il fait bien plus chaud à Mandalay (39°) que lors de mes haltes précédentes. Je me fais un resto Aung Lin qui est bien noté sur Tripadvisor. L'endroit est propre, le service attentionné. Riz avec porc grillé 4 500 k, c'est un peu cher pour le pays et assez léger. Je me balade tranquillement dans la cohue de Mandalay, où les trottoirs sont quasi inexistants et il faut parfois se frayer un passage entre les voitures et motos en stationnement et les vendeurs ambulants.

Je vais au grand marché le Zegyo, noir de monde et de jeunes moines qui font l'aumône. Je m'arrête dans quelques temples, loin de l'agitation. Avant de m'arrête dans un tee shop où étrangement il y a de la wifi.

Par la suite, je vais me perdre dans les quartiers très populaires de la ville, là où on voit plus de misère que de touristes. Pas que je veuille avoir un regard malsain, mais juste voir la réalité. Je vais du côté de la rivière Irrawady, pas loin de Chanthar Gyee padoga, un endroit charmant. Au bord de l'eau, des cabanes en bois dans un triste état où vivent les familles. J'arrive au moment de la grande toilette et de la lessive. Les abords du fleuve sont sales. Pour autant tout le monde s'y lave, s'y baigne dans la joie et la bonne humeur, sans prêter attention à l'environnement.

Les Mingalabar se succèdent à mon passage, les sourires aussi. A deux pas de ces habitations d'un autre temps, j'aperçois les bateaux pour touristes, nettement plus confortables que les cabanes. Deux mondes qui se côtoient. Tandis que j'observe ces scènes de vie, je vois un grand bateau où de nombreux Birmans se pressent. Autrefois il devait naviguer. Désormais, il a été transformé en logements. Enfin plutôt en un toit car tout n'est ici que rudimentaire.

En fin de journée, je me promène dans des ruelles populaires, là où il n'y a que peu de circulation. Les gens sont dehors, ça chauffe la nourriture, ça joue aux échecs ou au football... des enfants s'amusent avec un rien. Je retourne tranquillement à l'hôtel Golden Dream et me dis que j'ai bien de la chance d'être hébergé dans un tel endroit. Une nuit dans le confort et le grand calme.

 

Mardi 24 février : En route pour Kyaukme

Le petit buffet de l'hôtel Golden Dream est parfait, un régal sur le toit terrasse de l'établissement. Pour 25 $ la nuit, l'adresse est vraiment excellente. La veille j'avais acheté mon ticket de bus pour Kyaukme auprès de la gérante de l'hôtel, au tarif de 6 000 k. La compagnie de bus ne se trouve pas trop loin de l'hôtel (15 minutes à pied) et ensuite un véhicule nous emmène à la station de bus.

 

Je profite de la matinée pour faire une dernière balade dans les rues de Mandalay, notamment dans les rues les plus fréquentées, la 26e et la 84e. A 14 h 30 précises, mon bus pour Kyaukme part. La moitié des passagers sont des touristes, ce qui me fait dire que Kyaukme est devenue une destination prisée.

 

Peu avant 19 h 15, le bus d'arrête sur la route principale, à deux pas de Kyaukme. Je suis le seul à en descendre. En fait, tous les touristes se rendent à Hsipaw. Je me rends à moto (2 000 k) à l'hôtel Northern Rock où ma famille m'attend. La chambre triple est à 30 $ et le petit déjeuner à 2 500 k par personne. Un nouvel hôtel flambant neuf a vu le jour le One Love, paraît-il très bien et un peu plus cher. Mais je n'ai pas testé.

 

Mercredi 25 et jeudi 26 février : Trek chez les Palaungs

Ce matin, rendez-vous avec Moe Set pour un trek de deux jours dans les environs de Kyaukme, avec un nuit chez l'habitant. Coût tout compris : 25 $/jour/personne. Moe Set est un guide très compétent, sympathique, toujours prêt à rendre service. Nous n'aurons pas à nous en plaindre. Il prend des petits groupes aux guides les plus connus comme Thura, Nain Naing et Joy, qui sont de connivence avec les guesthouses et préfèrent les groupes élargis, plus rentables à leurs yeux.

Durant ces deux jours, les marches sont raisonnables, les paysages de montagne sont charmant et les villages traversés aussi. Des villages Shan et Palaung où les tenues traditionnelles tendent à disparaître, mais restent encore visibles notamment sur les femmes âgées. Les villages sont typiques, on est souvent invité chez l'habitant comme le second jour où deux jeunes filles shans tiennent absolument, malgré leur timidité, converser en Anglais. Finalement, elles nous inviteront à manger un repas shan dans leur maison.

En chemin, on croise des hommes et des femmes portant du bois en prévision des mois les plus froids dans les montagnes, mais aussi pour faire fonctionner le feu dans la cuisine.

Le soir, nuit chez l'habitant dans un confort très sommaire. Je n'ai pas eu froid, mais un bon matelas n'aurait pas été de refus. Malgré tout suis parvenu à dormir correctement. Le lendemain matin, Moe Set avait ramené du café et des oeufs pour améliorer le petit déjeuner à la Birmane. Nos hôtes du village de Naung Pyaet n'étant pas encofre très habitués à recevoir des étrangers.

 

Vendredi 27 février : Dans les villages au sud de Kyaukme

 

Nouvelles journée de trek avec Moe Set, cette fois dans les villages au sud de Kyaukme. Au programme quatre villages, deux Palaungs et deux Shans. Encore une bien belle dans la campagne de Kyaukme. Durant ce trek, on ne croisera que deux touristes. L'endroit n'est pas aussi prisé que Hsipaw et encore moins que le favori des treks, celui entre Kalaw et le lac Inle.

On est invité dans plusieurs maisons à boire le thé, aussi bien chez des Palaungs, en tenue traditionnelle, que chez des Shans. Ces derniers vivants dans des maisons plus confortables. Aujourd'hui, il fait très chaud et on sent que les fortes chaleurs de mars, avril et mai ne sont plus très loin.

En chemin, on fait toujours de belles rencontres comme ces femmes qui portent du bois avec du matériel que je n'avais encore jamais vu jusqu'à présent et qui leur permet de garder plusieurs kilos sur les épaules. Ou encore ces jeunes novices qui jouent avec un cerf-volant. Ou cette femme palaung, toute contente de se refaire une beauté et surtout de mettre sa ceinture autour de la taille avant la photo.

En fin de journée, on rentre à l'hôtel Northern Rock où les deux jeunes serveurs sont ravis de me retrouver et surtout de rire de mes plaisanteries. Le soir, repas au Yunnan restaurant avec un énorme plat de porc au barbecue avec des pommes de terre.

Samedi 28 février : Derniers instants à Mandalay

Le minibus pour Mandalay part vers 8 heures et nous arrivons à 14 heures à destination, à l'hôtel Golden Dream qui nous propose toujours des chambres à 25 $. L'après-midi, on ne perd pas de temps et louons un taxi auprès de l'hôtel à 15 $ pour un aller-retour à Inwa. Sur place, découverte de monastères à travers la campagne et à l'intérieur d'une calèche pas très confortable. La visite a été brève, mais nous a permis de quitter la cohue de Mandalay. Dimanche matin, je m'apprête à quitter la Birmanie, en prenant la navette gratuite d'Air Asia, à 9 heures, qui m'emmène à l'aéroport, pour mon vol vers Bangkok. Dans l'avion, je pense déjà à mon retour probable en Birmanie en octobre prochain, vers d'autres régions que je ne connais pas encore... Et oui c'est encore possible.

La Birmanie sans touristes... c'est possible (février 2015)
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S
Félicitations pour votre site ! Je vie et travail à Yangon depuis deux ans et je reconnais ne pas avoir tout visiter dans ce magnifique pays, et votre site donne vraiment envie de sortir des sentiers battus ! <br /> Félicitations encore. Seb
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C
Merci à toi Seb. Quelle chance de travailler à Yangon... peut-être dans le tourisme. J'espère pour toi de belles découvertes à venir.<br /> Christophe
M
J'en suis à ma première visite sur votre blog. Je viens de lire "Là où les touristes ne vont pas": Wow quel récit-reportage intéressant et touchant. Merci de nourrir le désir de connaître et aussi de transmettre la croyance du "possible", à des voyageurs qui veulent faire un circuit en autonomes!<br /> Je suis à la retraite depuis peu. Je prépare un voyage au Myanmar pour février prochain. Mon mari et moi avons 65 ans et nous aimerions faire un trek, mais nous ne pouvons pas marcher une journée entière, en raison de problèmes aux genoux. Pouvons-nous envisager trouver sur place un guide qui peut répondre à des conditions particulières comme la durée et le degré de difficulté?
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C
Bonjour Mireille,<br /> Oui les guides sont arrangeants en Birmanie, il suffit de leur expliquer dès le départ votre résistance physique et ils s'adapteront. En Birmanie ce n'est pas de la très haute montagne et il y a des possibilités de treks assez faciles à entreprendre. Les guides sont habitués à s'adapter aux touristes.<br /> Christophe
S
Bonjour,<br /> J'adore votre blog et j'apprécie vos commentaires car je projette d'y aller en mai, c'est très enrichissant surtout que j'aime voyager hors des troupeaux de touristes. Aussi, pouvez vous me dire où je peux acheter le treck avec Moe Set à Kyaukme svp ? Sur place ou organisé en amont ?<br /> Bien cordialement,<br /> Sabine
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C
Bonjour, le mieux c'est d'organiser ce trek en amont avec lui car il peut être très pris. Ses coordonnées sont sur mon blog. Christophe
B
Bonjour, je suis impressionnée par cet article. Je dis cela notamment pour les personnes au visage tatoué. Je suis également étonnée par le marché sur les rails, c'est vraiment dangereux.
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C
Bonjour, oui les femmes au visage tatoué sont particulièrement impressionnantes. Quant au marché sur les rails, il n'y a jamais d'accident d'abord parce que les trains sont très lents en Birmanie et les marchands se poussent à l'approche du train.<br /> Christophe
P
Bonjour Chr. ; merci pour tous tes commentaires généreux. Nous avons l'intention d'aller à Mrauk U en avion en janvier 2016.<br /> Mais le Ministère des Affaires étrangères (français) classe cette région en rouge. Après les élections, penses tu que ce serait possible quand même ?<br /> D'autre part, pour randonner vers les villages, est ce préférable autour de Kyaukme ou plutot Kengtung qui semble plus difficile d'accès (tout en avion ?) mais plus loin du tourisme habituel ?<br /> Je me suis abonné à ton blog, ton dernier article est édifiant !<br /> merci d'avance, PH.
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C
Bonjour,<br /> Pour Mrauk U, il n'y a pas de souci particulier. Le ministère des affaires étrangères n'a pas mis son site à jour, les tensions dataient de 2014. Depuis les touristes retournent sur ce site. Pour les treks, je recommande autour de Kalaw (en évitant le trek entre Kalaw et Inle) ou Kyaukme. Kengtung, c'est encore mieux, mais le billet d'avion est cher et les guides aussi. Ou autre option si vous avez du temps, c'est Mindat. Un endroit exceptionnel où rencontrer les femmes tatouées au visage. C'est accessible en 6 heures de bus au départ de Pakkoku.<br /> Christophe

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